La « Première bordée » de Soldat Louis en 1989, sous les ordres du cap’tain Renaud, à bord du fameux Zénith, lui a permis de naviguer au long cours. En 1990, le « Pavillon Noir » sans complaisance le fait bourlinguer autour du monde, et même à « Le tour du monde » de temps en temps. Escale nécessaire à Dublin en 1993, Shane Mac Gowan, Sinead O’Connor, Davy Spillane… tout le monde vient se serrer « au près » de sa bande.
Suivent une compil : « Le meilleur de Soldat Louis » en 1995, et un enregistrement public « En vrai » en 1997.
Le temps de concocter un cocktail à base d’iode, de bitume et de parfums de Dames, parti de l’Atlantique, le cri de guerre du pacifique Soldat Louis est « Bienvenue à Bord », album sorti en 1999. Après avoir fêté ses 10 ans de chaloupe, Soldat Louis remet le cap sur un décennat supplémentaire.
Olivier de Kersauson et Soldat Louis


Olivier de Kersauson est le plus populaire des marins français mais aussi le plus connu des bretons, tant par ses exploits autour du monde que par sa vivacité d’esprit sur les ondes.
Il a souvent exprimé ses goûts musicaux marqués, et nous précise son opinion sur Soldat Louis :
« Je n’éprouve que peu d’émotions à écouter Vivaldi, les flonflons pseudo jazzy, les orchestres de chambre, çà manque d’espace.
Peut-être parce que je suis breton et que ce n’est pas ma culture, la Bretagne étant plutôt le vivier du rock français.
Soldat Louis, c’est à la fois une identité bretonne affirmée mais aussi et surtout une vraie bande de rockers, pas vraiment sensible aux effets de mode et aux tendances.
Ils ne cherchent pas à profiter de la mode celtique, ni à changer leur son pour le rendre plus hip hop, techno ou chipola-pop.
Parce que le Blues-Rock qu’ils font est de toute façon la musique celtique de cette fin de siècle, celle qui aura marqué ces trente dernières années, que cela soit avec les Pogues, Simple Minds, U2, Rory Gallagher, enfin bref toutes les facettes de l’expression contemporaine.
C’est de la musique de pub, dans le sens débit de boisson, pas ciblée médiatiquement. C’est bien à écouter dans les rads.
Et puis j’aime bien leur nom, çà fait matelot qui en veut et qui finit ses journées derrière une guitare plutôt que devant la télé, et c’est vrai que c’est un peu leur attitude dans la vie.
Ce ne sont pas des gens bidons, tout fabriqués pour une cible.
Et puis ce n’est pas évident de chanter en français, c’est une langue difficile à chanter sur du rock. La plupart des textes anglais du genre sont souvent intraduisibles tellement ils sont niais. Donc j’aime bien Soldat Louis et leur son.
C’est une musique pour bord de largue sous gennaker, avec les silhouettes de grues du port de commerce au loin.
Pas une musique de fond, j’ai l’impression qu’ils sont là à jouer avec nous, que leurs chansons seront applaudies dans n’importe quel port du monde, pourvu qu’il y ait des embarquements dans l’air.
C’est une musique à écouter les nuits de convoyage, à embarquer sur voie rapide.»

Olivier de Kersauson
Soldat Louis, l’équipage le plus festif et le plus joyeusement anar que notre douce France ait jamais enfanté. Autant dire, pour ceux qui l’ignoreraient encore, que les petits gars de Soldat Louis ne sont pas exactement des enfants de chœur, ou alors supprimons le « h », car du cœur, ils en ont gros comme çà. Chez ces dangereux pirates du compact disc, pas de chichis, pas de tralalas, mais de la tranche de vie boucanière, de la déclaration d’amour flibustière. Auprès de ma bande, qu’ils chantent, et l’on sent bien qu’il y fait bon. Sinon, pourquoi voudrait-on la rejoindre, cette sacrée bande qui est aussi un sacré band.
De sa première course au rhum, Soldat Louis rapporta un butin à donner des insomnies aux fronts bas effarouchés par sa verdeur : double album d’or en France, platine au Québec et le prix SACEM « Vincent Scotto ».
Une « première bordée » sans bavure appelant à la récidive. Et clac, la bande appareille à nouveau avec « Pavillon noir », un album vitrioleur et fraternel à ne laisser à la portée ni des truqueurs ni des adeptes du régime sans sel. Fort en verbe et en images piquées d’embruns, riche de coups de gueule, de cœur et de bouteilles.
Histoire de répondre à la question de Hemingway (je parie qu’il aurait été de ses fans) « En avoir ou pas ? » et de faire cultiver dans les dîners en ville, quelques données de base pour pratiquer presque couramment le Soldat Louis.
L’univers de Soldat Louis est vaste et varié comme l’univers : il y a les landes amères, l’immense océan, le grand ciel, et puis les femmes de légende et les louches tavernes où l’on oublie sa peine dans le scotch et la bière. Qu’on le veuille ou non, c’est un univers poétique. Là-dedans, il y a du Cendrars et du Mac Orlan, fois de bourlingueur désenchanté !
Soldat Louis est de quelque part et l’affirme d’une manière magistrale au-delà des clichés du style « Bretagne, terre de contraste !!! ». Il s’agit véritablement d’un engagement viscéral pour une terre, un pays, une culture, un peuple au sens noble du terme ; ici le verbe est romantique, solidaire, libertaire et naturellement assoiffé.
Qu’elle soit de Bretagne ou d’Irlande, de sel ou de sable, de terre ou d’océan, la chanson est belle !
Drôle de tribu capable de chanter la vie, l’amour, la mort et la mer avec l’accent authentique de la pudeur et du talent qui n’ont pas peur des mots.

Extraits des textes de Thierry Séchan, Arlette Tabart, Loeiz Guillamot.